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L’homme qui a révélé la bombe atomique d’Israël sort de prison mercredi. Le Monde, 21 avril 2004


 
 
L’homme qui a révélé la bombe atomique d’Israël sort de prison mercredi
 
Mordehaï Vanunu a purgé la totalité de sapeine de dix-huit ans de rétention, imposée pour « espionnage et trahison »
 
Jérusalem, de notre envoyé spécial
 
Malgré ses dix-huit années passées en prison dont onze à l’isolement total, Mordeha¨Vanunu, « l’espion nucléaire » israélien n’a pas perdu de ses convictions et de son mordant. Interrogé par les services de sécurité israéliens quelques jours avant sa libération prévue le 21 avril, l’homme ne renie rien.
 
« Je ne suis ni un traître, ni un espion. J’ai seulement voulu faire connaître au monde ce qui se passait », explique celui qui a révélé comment Israël préparait la bombe atomique à la centrale de Dimona dans le désert du Néguev. Dans cet entretien publié par le presse et qui sera diffusé par une chaîne de télévision privée, celui qui a brisé le secret nucléaire israélien ajoute : « Je ne regrette rien car j’ai agi selon ma conscience ». Et de demander aujourd’hui que « le réacteur de Dimona soit détruit comme le fut le réacteur irakien Osirak ». , à proximité de Bagdad, bombardé par l’aviation israélienne en juin 1981.
 
Mordehai Vanunu, aujourd’hui âgé de 50 ans, crache sans les mâcher ses vérités à la face de ses intervieweurs, martelant qu’ « il ne devrait pas y avoir d’état juif ; qu’il devrait y avoir un état palestinien ; que les Juifs et les palestiniens devraient pouvoir vivre où ils veulent ; que le judaïsme et l’islam sont des religions retardataires ». Converti au christianisme, ce marocain d’origine souhaite renoncer à la nationalité israélienne et quitter le pays après sa libération.
 
Mais le gouvernement d’Ariel Sharon ne l’entend pas ainsi. Bien qu’ayant purgé la totalité de sa peine, d’importantes restrictions lui seront imposées après sa sortie de la prison de Shikmah, dans le sud d’israël. Selon son frère Meir, il ne pourra pas donner d’interviews, se rendre dans un aéroport, un port, une ambassade étrangère. Le ministre de l’intérieur, Abraham Paraz, lui interdit de se rendre pendant un an à l’étranger. Il ne pourra posséder un téléphone cellulaire, ni utiliser Internet. Le ministre des relations avec le parlement, Gidéon Ezra, a suggéré de le placer en régime de détention administrative.
 
Interrogatoires
 
Un tel traitement a été jugé inadmissible par Amnesty International qui demande à Israël de « ne pas violer ses droits fondamentaux ». D’autant, comme l’affirme le journaliste du Sunday Times qui, en 1986, avait publié ses révélations, qu’il n’a plus rien à dévoiler sur Dimona. En plus, comme le dit l’intéressé lui-même, en raison des avancées technologiques, « je ne crois pas que les Américains ou les Européens aient besoin d’un Vanunu pour leur faire des révélations ». Son ancien avocat, Avigdor Feldman, estime que « cet acharnement relève de la paranoïa »
 
Mais l’état hébreu semble encore craindre cet homme qui a toujours refusé les arrangements pour prix de son silence ou de sa libération. sa libération doit être saluée par des pacifistes et des antinucléaires venus du monde entier et qui ont déjà dû se frotter aux interrogatoires du Shin Beth, la sécurité intérieure.
 
Apparemment, Mordehaï Vanunu n’a pas l’intention de se soumettre au régime que l’on veut lui imposer. Une nouvelle « affaire Vanunu » pourrait donc naître. Elle sera sans doute beaucoup moins entourée de mystères que celle de ce technicien nucléaire qui a commencé avec son entrée à la centrale de Dimona en 1976. Son engagement contre la guerre du Liban en 1982 et ses positions pacifistes éveillent les soupçons. Il doit changer de département , avant d’être licencié en 1985. Il quitte Israël en janvier 1986 avec dans ses poches les photos clandestines du site.
 
Avec son indemnité, il entreprend de faire le tour du monde, se rend au Népal, en Australie, où il se convertit au christianisme et rencontre un journaliste du Sunday Times de Londres auquel il accepte de raconter toute son histoire. La publication, en septembre 1986 dans l’hebdomadaire provoque la colère des israéliens, qui décident d’attirer « le traître » dans un piège vieux comme le monde : une femme qui tombe dans ses bras à Londres et l’emmène à Rome.
 
Cindy, de son vrai nom Cheryl Hanin Bentov, est un agent du mossad. Drogué, il est embarqué dans un yacht qui le conduira en Israël en quelques jours. Un enlèvement qu’il fera connaître au monde, le 21 décembre 1986, lorsque, conduit au tribunal, il trompe la vigilance de ses gardiens en montrant la paume de sa main sur laquelle il a écrit « Mordehaî Vanunu, enlevé à Rome, le 30 septembre 1986 à 21 heures ».
 
Pages secrètes
 
Au terme d’un procès à huis clos, il sera condamné à dix-huit ans d’emprisonnement, le 27 mars 1988, pour espionnage et trahison. Il risquait la prison à vie. On ne saura jamais rien des soixante pages du jugement restées secrètes.
 
L’importance des informations dont il disposait a été minimisée par les experts internationaux. Les dépositions des responsables israéliens ont été frappées du secret défense. Le seul commentaire des autorités israéliennes a toujours été : « Nous ne serons pas les premiers à introduire l’arme atomique au Proche-orient ». La question est tabou même s’il ne fait pas de doute qu’Israël, qui n’a pas adhéré au traité de non-prolifération nucléaire, possède l’arme atomique. L’Etat hébreu détiendrait de 100 à 200 têtes nucléaires. Shimon Pérès est considéré comme le principal initiateur du programme, lancé dans les années 1950 avec l’aide de la France.

Michel Bôle-Richard. Le Monde, 21 avril 2004 

 

[Depuis, Vanunu a été inculpé à de nombreuses reprises (cela faisait 21 fois en 2010) pour avoir enfreint les restrictions à sa liberté. En effet, il lui est interdit d’entrer en contact avec des étrangers sans autorisation préalable. Il lui est interdit de quitter le territoire national. Il a demandé l’asile à plusieurs pays occidentaux, mais en vain.] 



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