Des garçons aussi bons que les filles en lecture, c’est possible ! Libé, 16 septembre 2017


 


Des garçons aussi bons que les filles en lecture, c’est possible !
 

Comment mettre fin aux stéréotypes de genre qui pèsent sur les performances scolaires ? Une étude, réalisée par des chercheurs français, vient de mettre à bas l’un d’entre eux. Tout est affaire de présentation.

A l’heure de la rentrée des classes, on entend souvent fleurir des propos comme « les garçons sont moins doués en lecture » ou « les filles sont moins douées en maths ». Ces croyances, qu’on appelle des stéréotypes, ont la vie dure. Qu’on y adhère ou non, leurs conséquences sur les performances des élèves sont réelles et démontrées par des études de psychologie sociale.

Les stéréotypes de genre peuvent agir insidieusement sur les performances des filles et des garçons selon le contexte d’apprentissage dans lequel on les place. A l’école, les évaluations sont souvent propices au rappel de ces stéréotypes négatifs qui peuvent interférer avec les performances de l’élève.

L’élève doit alors gérer à la fois l’exercice à réaliser et la crainte d’être perçu comme aussi mauvais qu’on le croit. Cela le conduit à partager son attention entre l’exercice et la gestion de son image de soi. Ce partage attentionnel conduit au final à obtenir de moins bons résultats pour les filles en maths et les garçons en lecture. Ce phénomène est appelé « effet de menace du stéréotype ».

Depuis une trentaine d’années, de nombreuses recherches ont montré que la menace du stéréotype contribue aux différences de performance en défaveur des filles en mathématiques. Mais aucune n’a été réalisée sur l’effet de menace du stéréotype chez les garçons en lecture. Cela est d’autant plus surprenant que la dernière enquête Pisa (OCDE, 2014) rapporte des écarts de réussite entre filles et garçons trois fois plus grands en lecture qu’en mathématiques et insiste sur des différences biologiques entre les garçons et les filles en lecture. C’est donc dans le but d’offrir une autre vision de l’écart en lecture entre les garçons et les filles qu’une équipe de chercheurs français a décidé d’examiner l’impact de la menace du stéréotype de genre sur la performance en lecture de garçons de 9 ans.

Quatre-vingts élèves de CE2 ont réalisé un test de lecture, qui consiste à repérer, en trois minutes, le plus de noms d’animaux possible parmi d’autres mots. A une moitié des élèves, le test a été présenté comme un test de lecture et à l’autre moitié, comme un jeu. Les résultats obtenus sont saisissants. Les filles réussissent mieux que les garçons lorsque l’exercice est présenté comme un test de lecture. En revanche, lorsque ce même exercice est présenté comme un jeu, les garçons réussissent mieux que les filles. Ces résultats ne valent que pour les élèves qui accordent de l’importance à la lecture.

Autrement dit, seuls les garçons qui accordent de l’importance à la lecture sont menacés par l’évaluation. Dans ce contexte, ils obtiennent de moins bons résultats que les filles alors qu’ils les dépassent lorsque la (même) tâche est présentée comme un jeu.

Que se passe-t-il dans la tête de ces garçons ? Lorsque la lecture, un domaine qu’ils valorisent fortement, est évaluée, ils ne peuvent pas, contrairement à ceux qui accordent moins d’importance à la lecture, se rabattre sur d’autres domaines scolaires pour maintenir une image positive d’eux-mêmes.

Cette étude apporte la première preuve que le stéréotype négatif qui touche les garçons en lecture peut nuire à leur performance, et ce d’autant plus qu’ils accordent de l’importance à la lecture. Ces résultats complètent les conclusions de la dernière enquête Pisa en suggérant que l’écart entre les filles et les garçons en lecture peut refléter la peur que certains d’entre eux ont de confirmer ce stéréotype négatif.

En somme, la manière dont s’expriment les compétences des garçons et des filles dépend en partie du contexte et de l’importance qu’ils accordent aux disciplines. Il est aujourd’hui nécessaire que ce constat trouve un écho dans les salles de classe.

Evidemment, les stéréotypes ne peuvent malheureusement pas s’effacer du jour au lendemain. Mais dans la mesure du possible, tout un chacun (parents, enseignants, psychologues, etc.) doit prendre conscience du poids de ces stéréotypes, et éviter de trop mettre en avant l’identité de genre des élèves en fonction des disciplines scolaires. Par exemple, en proposant aux élèves des modèles de réussite qui vont à l’encontre du stéréotype de genre de manière à le rendre moins menaçant au fil du temps.

Pas plus que la réussite en maths n’est le propre des garçons, la réussite en lecture n’est pas l’apanage des filles.

 

Pascal Hughet (université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand), Pascal Pansu (université Grenole-Alpes), Isabelle Régner (université Aix-Marseille), Sylvain max (Burgundy School of Business), Pascal Colé (université Aix-marseille), John B. Nezlek (Collège of William and Mary Williamsburg, Etats-Unis)

 

Libération, 10 septembre 2017

http://www.liberation.fr/debats/2017/09/10/des-garcons-aussi-bons-que-les-filles-en-lecture-c-est-possible_1595370

 



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