Les violences sexuelles à caractère incestueux. CNRS, 2017
Les violences sexuelles à caractère incestueux, CNRS, 2017
Il s’agit d’un rapport à destination du Ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes, remis en avril 2017, dans le cadre du 1er Plan de lutte contre les violences faites aux enfants lancé le 1er mars. Il est coordonné par Sylvie Cromer.
http://www.cnrs.fr/inshs/recherche/docs-actualites/violences-sexuelles.pdf
Voici les données les plus intéressantes :
p. 15, encadré. Très pertinentes considérations historiques , qui montrent en quoi, de tous temps, les définitions juridiques du viol ont laissé de côté certains viols opérés sur des garçons ou des hommes. Autrement dit, il s’agit d’une discrimination fondée sur le sexe, déjà présente dans la société bourgeoise et qui perdure aujourd’hui, sous une autre forme :
Jusqu’en 1980, la définition du viol est absente du Code pénal. Elle restait dans la continuité de l’implicite du Code de 1810 qui renvoyait à la définition du viol héritée de la période moderne. La pénétration contrainte d’un homme ou d’un enfant mâle ne tombait alors que sous le chef d’« attentat à la pudeur avec violence ». La redéfinition de 1980 a été à ce titre une rupture importante : dire que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise » (article L.222-23 du Code pénal) indexe le viol sur « l’effraction des frontières du corps », les limites du corps étant aujourd’hui considérées comme celles de l’individu,et non sur le genre de la victime ou de l’auteur. Toutefois, le critère de la pénétration (absent dans la définition fédérale du viol aux etats-Unis), continue aujourd’hui encore à hiérarchiser en France le crime (viol, passible des Assises) et le délit (agression sexuelle, correctionnalisée, article 222-22 du Code Pénal), et tend à maintenir l’ancien implicite hétérosexué. Une fellation commise sur un garçon, par exemple, ne tombe pas sous la catégorie de viol, pas davantage qu’un rapport sexuel contraint dans lequel le garçon est le pénétrant. Plus largement, la référence légale à la « pénétration sexuelle » peut être interprétée en fonction d’une lecture genrée qui la restreint à la pénétration par un pénis.
p. 18. C’est pourquoi une équipe lilloise a choisi, pour un travail sur 1000 dossiers traités par la Justice, de prendre en compte comme viol, au-delà du critère de "pénétration" :
- les viols classiques (par organes sexuels dans vagin ou anus)
- les pénétrations avec objets (dans vagin/anus)
- les pénétrations digitales (dans vagin/anus)
- les fellations subies
- les fellations à pratiquer sur autrui imposées
- les masturbations subies
- les masturbations à pratiquer sur autrui imposées
- les cunnilingus subis
- les cunnilingus à pratiquer sur autrui imposés.
Ces critères pourraient servir de base à une discussion pour une redéfinition juridique du crime.
p. 21-22. Une recension des enquêtes françaises fait apparaître les difficultés liées au questionnement rétrospectif et aux différences de méthodologie. Elle aboutit cependant à une conclusion signifiante :
Pour autant toutes ces enquêtes montrent que les violences sexuelles se produisent majoritairement au cours de l’enfance ou de l’adolescence, que les femmes déclarent des violences sexuelles dans des proportions supérieures à celles des hommes, enfin que la famille et les relations avec les proches constituent un espace de victimation majeur aussi bien pour les filles que pour les garçons.
p. 16. Au passage est évoquée l’utilisation des (fausses) accusations d’inceste dirigées contre les pères dans le cadre des procédures de divorce. Même si l’importance en est sous-estimée, on ne peut que saluer la reconnaissance "politiquement incorrecte" de cette réalité, rare dans un rapport officiel :
(...) l’instrumentalisation des données sur les violences sexuelles représente un risque réel, en particulier dans le cadre des divorces et des séparations. (...) Les accusations de violences sexuelles sont aussi parfois mobilisées par des mères réclamant la garde des enfants. Des recherches devraient être entreprises en ce sens, afin de quantifier et de qualifier un phénomène certes observable, mais qui n’est pas encore analysé.
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