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Le beau sexe des hommes. Florence Ehnuel, 2009 (extraits)


 

Le beau sexe des hommes (extraits)

 

pp. 9-10

Très longtemps je me suis demandé pourquoi j’aimais les hommes puisque le seul corps féminin me semblait digne d’être trouvé beau. La beauté féminine était une évidence, elle seule tombait sous le sens. Cela ne me rendait pas homosexuelle pour autant, mais je vivais mon attrait pour les hommes comme une énigme, voire une aberration. Certains d’entre eux m’attiraient, surtout par leur visage, par leur allure, par leur conversation ou les hommages qu’ils me rendaient mais aucun ne parvenait à bousculer mon préjugé : je restais convaincue que seul le désir pour un corps de femme peut véritablement se justifier.

Or, vers l’âge de trente-cinq ans, les circonstances ont libéré en moi un nouvel appétit pour les rencontres amoureuses et la sexualité. J’ai soudain découvert l’envie de tourner plus résolument mon regard vers le corps masculin. Alors un éblouissement m’a envahie qui ne s’est pas éteint et que je souhaite mettre tout mon soin à cultiver. Un éblouissement qui est devenu un des bonheurs de ma vie.

 

pp. 65-66

Tout homme pour moi, sans que je me le dise nettement, porterait à quelque degré cette promesse d’un moment absolu. (...)

Plutôt que de m’en tenir à distance, je voudrais, en moi, capter ce miroitement, en tourner à mon profit l’énergie rayonnante. Je trouverais, bien sûr, aliénant de me lancer à l’assaut de toutes les verges. Il reste que toujours, virtuellement, ce sexe est là. Ce trésor. Cette beauté. Ce mystère qui concentre la vie. C’est lui la perspective des perspectives. C’est lui qui rend la vie mystique. Sa présence fait rêver d’unions qui aboliraient toute distance. Peut-on vivre, et vivre femme, sans ce phare ?

 

pp. 73-74

De même qu’un enfant n’aime que la grenadine, je n’aimais autrefois le corps d’un amant qu’évanescent et effleuré. Il me semble que la maturité m’en découvre maintenant les charmes profonds lorsqu’il est bien nu, totalement dévoilé. Séjourner longuement dans les creux et les bosses, suivre les lignes, parcourir les espaces larges et ouverts, le dos, le ventre, pétrir les jambes pour en sentir la fermeté musclée, envelopper de la paume des mains les épaules et passer les doigts sur les lignes du cou, le long des clavicules aussi, et puis les fesses, avec leur raie médiane qui mène tout simplement au périnée, puis aux joyaux de l’ensemble, la verge, les testicules. Et coucher la joue sur les cuisses ou le ventre pour contempler sous divers angles le paysage du sexe, l’exciter ou l’alanguir, y mettre les mains, ou le bout des doigts, le nez ou la bouche et la langue, y enfouir le visage ou se tenir un peu à distance pour en avoir une vue d’ensemble. Enfin, mille choses que vous savez bien... Mais surtout s’en repaître, s’en nourrir

.

pp. 84-85

Je les envie d’être costauds

Même un gringalet l’est plus que moi. Cette force masculine, j’aime bien la voir en acte, j’aime bien même en profiter, si un homme me porte par exemple, ou m’aide dans un effort à fournir qu’il maîtrise mieux que moi, mais surtout je l’envie. J’aimerais souvent pomper aux hommes l’esprit de leur corps, sinon leur forme. Je n’aimerais pas être musclée comme eux, mais j’aimerais me sentir puissante comme eux. J’aimerais être grande comme les plus grands, voir le monde depuis cette hauteur-là. Je suis toujours frappée, lorque je marche dans la rue avec mon fils et ses copains, de leur allure délurée, pleine de sauts, de course, d’escalades, générosité de gambades que je n’ai pas observée avec mes filles. J’aimerais connaître ce rythme endiablé, et cette énergie qui se donne et se perd, qui ne se ménage pas, cette énergie qu’ils semblent avoir, les garçons, à en revendre. Moi, la fatigue me guette très vite, J’ai regardé longuement à la piscine un nageur, exceptionnel il est vrai, un véritable Hercule, qui faisait la longueur de vingt-cinq mètres en quatre ou cinq paires de mouvements de bras, avec une telle aisance qu’on aurait dit même qu’il la parcourait du seul effet du coup de pied impulsé sur le bord au départ. Cette puissance me faisait envie : moi aussi, j’en voudrais, une force pareille ! Peut-être pourrais-je côtoyer un homme juste dans l’idée qu’il me la communique par le simple partage d’un espace ou d’une conversation.

 

Le beau sexe des hommes. Florence Ehnuel. Seuil, 2009

 

Voir un autre extrait du même ouvrage : La courtoisie masculine



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