André Bamberski : ma fille, ma bataille / Patrick Guillot, mai 2010


 

André Bamberski : ma fille, ma bataille

 

Le nom d’André Bamberski a fait sa place dans les médias le 18 octobre 2009. Ce jour-la, un certain Dieter Krombach, un médecin allemand, est livré à la police de Mulhouse par des inconnus, après avoir été enlevé de l’autre côté de la frontière. Bamberski est soupçonné d’avoir organisé cet enlèvement ; lui le nie, affirmant qu’il est le fait de militants des droits de l’enfant. Pour nous, peu importe : s’il l’a organisé, il a eu raison, et cela ne fait que conforter notre admiration pour lui : ce Krombach est en effet l’assassin de sa fille.

Depuis, AB a repris tous les éléments de cette longue histoire dans un livre dont nous tirons tous les informations qui suivent. Nous sommes en 1982 : cela fait six ans qu’il a divorcé de Danielle, la mère de Kalinka et Nicolas. Fait encore plus rarissime que de nos jours, il a obtenu la résidence principale des enfants. Danielle s’est installée en Allemagne, à Lindau, avec son nouveau compagnon, Dieter Krombach. Puis, grâce à une basse manœuvre, elle a obtenu à son tour, en 1981, la résidence principale. Le 10 juillet, le drame se noue : Kalinka, adolescente de quinze ans, est découverte morte dans son lit… des suites d’une insolation, disent sa mère et son beau-père. Ecrasé, AB enterre sa fille. Il faut une dizaine de jours pour qu’émergent ses premiers doutes : cette mort est invraisemblable, et l’autopsie qui l’a suivie est suspecte. 

Dès lors, il prend le parti qui va déterminer le restant de son existence :

Au cœur de l’automne 1982, je me rendis au cimetière de Pechbusque et me recueillis longuement sur la tombe de Kalinka. Ce jour-là, je lui fis la promesse de me battre sans répit pour obtenir que justice lui soit enfin rendue, quel qu’en puisse être le prix. Habité par un sentiment de devoir paternel, j’étais alors bien loin de soupçonner qu’un tel engagement allait m’occuper pendant trois décennies. Pour autant, j’avais la conviction qu’il me serait impossible de faire le deuil de ma fille tant que le responsable de sa mort n’aurait pas été officiellement désigné.

Certains, depuis que j’ai prêté ce serment, m’ont reproché – je l’ai déjà dit – de mener une quête obsessionnelle. Il est vrai que je n’ai jamais cessé d’être hanté par l’enchaînement d’anomalies, de dysfonctionnements, de bavures incompréhensibles qui ont constamment paralysé le processus judiciaire. Presque chaque nuit, j’en ai fait des cauchemars et nombre de mes amis m’ont, au fil des ans, conseillé de renoncer.
- Retourne à la vie, m’a-t-on souvent suggéré.
Mais qu’est-ce qu’une vie rongée par l’incertitude ? Et comment aurais-je pu abandonner Kalinka à son terrible destin : une jeune fille morte dans des circonstances troublantes, dont tout le monde ou presque semblait se désintéresser ? (pp. 78-79)

Dès lors commence une marche interminable et invraisemblable pour faire inculper et juger Krombach, dont il a acquis la conviction qu’il est l’auteur du meurtre, sans doute dans le prolongement du viol de Kalinka. Une conviction renforcée quand Krombach sera condamné ultérieurement pour viol sur mineure dans une autre affaire. Mais celui-ci déjoue toutes les poursuites : il ne quitte plus l’Allemagne, qui ne l’inculpe pas, et ne l’extrade pas quand il est condamné à Paris par contumace à quinze ans de réclusion. Mais la France ne fait guère d’efforts pour obtenir cette extradition. C’est une suite ininterrompue de décisions inappliquées, de procédures avortées, et de coups tordus. En 2009, VB a soixante-douze ans, Krombach soixante-quatorze, et la date de prescription de son crime est 2015 : il n’est pas absurde de penser qu’il va finir sa vie sans en rendre compte. Sauf s’il est amené en France de force…

Après vingt-sept ans de combat, VB peut écrire, avec la perspective d’un nouveau procès :

Heureux et fier, qu’il soit condamné à passer le reste de ses jours en prison ou bien remis en liberté. Car j’aurai eu, enfin, ce que je n’ai jamais cessé de demander depuis le 10 juillet 1982. Un procès en présence de l’accusé. Un verdict.

D’un pas serein, je pourrai reprendre le chemin du petit cimetière de Pechbusque pour me rendre, la tête haute, devant la tombe de ma fille. Alors, je lui dirai :
- Kalinka, ma chérie… J’ai fait mon devoir de père. (p. 263)

Les hoministes sont bien placés pour savoir que la « Justice » fait souvent des choix destructeurs et incompréhensibles à l’encontre d’hommes et de femmes honnêtes, mais surtout d’hommes, de pères. Certains ne trouvent pas la force de réagir, subissent, voire mettent fin à leur jour ; d’autres essaient d’oublier : à tous ceux-là, nous ne jetterons sûrement pas la pierre. D’autres encore militent. Ils restent fidèles à leurs enfants vivants : AB est resté fidèle à son enfant par delà la mort. Il a choisi ce qui dans pareille situation est la réaction à la fois la plus énergique et la plus noble. Refuser de se nier, continuer le combat, sans pour cela tomber dans l’esprit de vengeance, et finalement contraindre la dite « Justice » à remplir correctement sa fonction.

Patrick Guillot, 23 mai 2010

Pour que justice te soit rendue. André Bamberski. Michel Lafon, 2010

 
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Le 22 octobre 2011, Dieter Krombach a été condamné à quinze ans de réclusion pour le meurtre de Kalinka. Il a fait appel de cette décision.

lefigaro.fr/actualite-france/2011/10/23/01016-20111023ARTFIG00255-krombachdevrait-faire-appel.php

 

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Le 18 juin 2014, André Bamberski (âgé de 76 ans) a été condamné pour "enlèvement et séquestration" a un an de prison avec sursis, ce qui dénote une certaine compréhension de la part du tribunal de Mulhouse. Il est cependant déçu que celui-ci n’ait pas retenu sa motivation de "contrainte morale", ce qui aurait consuit à sa relaxe. Il ne devrait pas faire appel.

 

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En 2015 un documentaire intitulé André Bamberski, promesse à Kalinka a été réalisé dans le cadre de l’émission Faites entrer l’accusé (France 2).

En mars 2016 est sorti un film retraçant son histoire, réalisé par Vincent Garencq. Il s’intitule Au nom de ma fille Le rôle principal est tenu par Daniel Auteuil.

http://www.metronews.fr/info/au-nom-de-ma-fille-andre-bamberski-le-pere-de-kalinka-submerge-par-l-emotion-face-au-film-qui-retrace-son-combat/mpco !A8DC5nmdLDCA/



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