Une idée qui progresse chez les pères. Denise Bauer. Etudes et résultats, mai 2008


[Les extraits qui suivent viennent d’un article publié dans le n° 638 (mai 2008) d’Etudes et résultats, bulletin de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques). Analysant les résultats de l’enquête Congés autour de la naissance réalisée en juin 2004 auprès de 2000 pères et 2000 mères d’enfants de quatre à six mois), et d’autres enquête, l’article met en évidence :

- l’importance de la proportion de pères prêt à s’arrêter de travailler pour un congé paternité beaucoup plus long que celui actuellement prévu par la loi

 - le profil de ces pères
 
- par rapport aux naissances, l’évolution de l’opinion en faveur d’un aménagement du temps de travail des deux parents, plutôt que de l’arrêt de l’un d’eux.
 
Pour le texte complet et les tableaux :  http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/er-pdf/er638.pdf ]
 
 
S’arrêter de travailler durant trois ans pour s’occuper de son enfant : une idée qui progresse chez les pères
 
[…]
Dans l’enquête Congés autour de la naissance, réalisée en 2004 (encadré 1), un père sur deux campe sur des positions plutôt traditionnelles : 30% n’accepteraient pas de s’arrêter (graphique 1) et 18% n’accepteraient de s’interrompre que trois mois au maximum [Bauer et Penet, 2005]. Les mères s’impliquent davantage, dans leurs dires comme dans les faits, pour garder leurs enfants : les trois quarts d’entre elles accepteraient de s’arrêter au moins un an, dont 29% pendant un ou deux ans et 44% trois ans ou plus.
 
Cependant, aux marges de ces comportements classiques, 20% des pères se disent prêts à s’arrêter durant trois ans et , à l’opposé, 9% des mères refuseraient d’interrompre leur activité professionnelle.
 
20% des pères se disent prêts à s’arrêter de travailler durablement pour s’occuper de leur enfant
 
Les pères affirmant qu’ils accepteraient d’interrompre leur carrière durant trois ans ou plus ont le même âge que les autres. Ce n’est pas l’enthousiasme d’une première paternité qui les pousse plus facilement à s’imaginer père au foyer, car on compte parmi eux davantage de pères de deux ou trois enfants (tableau 1).
 
Les pères qui envisagent de s’arrêter au moins trois ans sont plus souvent des ouvriers et des employés que des cadres supérieurs, des professions libérales ou intermédiaires. Ils se déclarent moins impliqués sur le plan professionnel : 21% d’entre eux, contre 9% des autres pères, déclarent accorder au travail une importance plutôt faible dans leur vie (graphique 2). Leur compagne travaille plus souvent à temps complet. D’ailleurs, leur apport aux ressources du ménage est moindre : 62% contribuent par leur revenus professionnels à plus de la moitié des ressources du ménage, contre 75% des autres pères.
 
Sur le plan de leur situation professionnelle, de l’activité de leur compagne ou de leur apport dans les ressources du ménage, le profil de ces pères se rapproche donc de celui des pères ayant effectivement bénéficié des allocations versées à l’occasion d’une prise de congé parental. [Boyer, 2004]
 
Ils travaillent aussi plus fréquemment à temps partiel et prennent plus systématiquement tous leurs congés (annuels ou RTT). D’ailleurs, 69% d’entre eux se disent favorables à un allongement du congé de paternité, contre 54% des autres pères. Ils sont plus nombreux à se déclarer à la recherche d’un autre emploi, sans pourtant être confrontés à des horaires de travail tardifs ou atypiques ou à des temps de trajets longs ou irréguliers.
 
A la maison, ces pères s’impliquent davantage que les autres dans les tâches ménagères : 49% disent participer à la cuisine, la lessive ou le repassage (contre 42% des autres pères). Par ailleurs, ils déclarent consacrer plus de temps aux tâches domestiques : 61% contre 50% y passent au moins six heures par semaine. Ils s’occupent plus du bébé : se chargeant plus souvent du biberon, par exemple, ou de l’emmener chez le pédiatre. L’ensemble de ces résultats restent valides « toutes choses égales par ailleurs », c’est-à-dire en contrôlant l’effet de la catégorie socioprofessionnelle, du statut dans l’emploi, de l’apport des revenus professionnels du père dans les ressources du ménage, du nombre d’enfants et de l’activité professionnelle de la compagne.
 
Enfin, les intentions de ces pères sont cohérentes avec leurs opinions sur le rôle respectif de chacun des parents : ils approuvent majoritairement le fait que père et mère doivent occuper la même place auprès de l’enfant (51% contre 41% pour les autres pères), ils estiment que les deux parents doivent avoir les mêmes activités auprès de l’enfant. Ils pensent plus souvent que les autres parents que le fait d’être indisponible est potentiellement nuisible à l’épanouissement de l’enfant (74% contre 64%).
 
[…]
 
Des opinions de plus en plus favorables à un aménagement du temps de travail des deux parents plutôt qu’à l’arrêt d’un des deux conjoints
 
Ces résultats sont à rapprocher du constat suivant : dans l’opinion, l’idée selon laquelle la mère doit s’arrêter de travailler pour s’occuper des enfants perd du terrain, au profit d’un aménagement du temps de travail des deux parents. En 2006, 39% des adultes estiment que l’un des parents doit s’arrêter momentanément de travailler, alors qu’ils étaient 48% en 2000 selon une étude du Centre de recherches pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) [Croutte et Hatchuel, 2006].
 
S’agissant de savoir qui doit s’arrêter de travailler, la mère demeure la personne la plus désignée, mais cette solution perd du terrain : 37% des enquêtés approuvaient cette idée en 2006, contre 47% en 2000. De plus en plus de personnes préfèrent la réduction du temps de travail à l’arrêt d’activité : en 2006, 44% estiment que le temps de travail doit être réduit, contre 38% en 2000 – la réduction étant tout autant envisagée pour la mère, celui qui a le salaire le plus bas ou pour les deux parents simultanément. Les personnes les plus jeunes privilégient la réduction du temps de travail au détriment de la cessation temporaire d’activité : 50% des moins de 25 ans sont favorables à la première option, alors que seuls 29% se prononcent en faveur de la seconde ; à l’opposé, les 60 ans ou plus estiment une fois sur deux que la cessation temporaire de l’un des parents est la meilleure solution.
 
L’idée selon laquelle les hommes pourraient bénéficier d’aménagement de leur temps de travail, au même titre que les femmes, pour garder leurs enfants progresse également dans l’opinion publique. Selon le baromètre BVA (2006), le taux de personnes qui se disent d’accord avec la proposition selon laquelle « les hommes doivent bénéficier d’aménagement du temps de travail au même titre que les femmes » est passé de 48% à 54% entre 2000 et 2006 (graphique 4).
 
Denise Bauer

 



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