Analyse : L’enquête Marie-Claire Ipsos, mars 2005


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L’enquête Marie-Claire-Ipsos de mars 2005 sur les violences conjugales : une ENVEFF bis

 

Dans son n°631 de mars 2005, le magazine féminin français Marie-Claire titre en couverture "Ca suffit ! 10% des Françaises violées ou frappées. Notre sondage Ipsos". A l’intérieur, pages 103 à 112, est publié un dossier comprenant 
> un texte de présentation 
> les résultats du sondage avec un texte de commentaire 
> quatre textes évoquant diverses solutions au problème.

L’enquête se situe explicitement dans la continuité de l’ENVEFF réalisée quatre ans plus tôt. Elle aboutit d’ailleurs au même chiffre "magique" de 10% de femmes victimes, asséné régulièrement au long des articles. En même temps, elle prétend avoir tenu compte des critiques adressées à celle-ci (voir Homo mulieri lupus ? Marcela Iacub, Hervé le Bras. Les temps modernes, n°623, février 2003 / et 10% de femmes victimes : l’enquête épinglée / L’Express. 24 avril 2003) pour en redresser la méthodologie. En fait si l’ENVEFF était une escroquerie, l’enquête Marie-Claire-Ipsos en est une deuxième, réalisée par des moyens différents, qu’il convient d’identifier.

 

Les points communs avec l’ENVEFF

- la passation du questionnaire est anonyme et téléphonique : aucune garantie sur la validité des déclarations, aucun rapport avec des faits établis, un échantillonage peu représentatif (les personnes qui acceptent de répondre sont de plus en plus rares : il faut qu’elles soient très motivées, victimes, militantes, sympathisantes).

- surtout, le questionnaire est sexiste : il ne s’adresse qu’à des femmes, et exclut les hommes victimes de sa comptabilité.

 

Les techniques propres à Ipsos

- la question 1, par laquelle est obtenu le résultat de 10%, concerne bien les violences physiques ("votre partenaire vous gifle ou vous frappe") ou sexuelles ("vous oblige à faire l’amour"). Mais elle s’applique à toute la vie des questionnées ("Au cours de votre vie") ! Habituellement, les sondages sur la violence conjugale interrogent sur une période donnée, la plus récente (les douze mois précédents, comme l’ENVEFF, ou les cinq années précédents), afin de rendre compte du niveau actuel de violence, et, par comparaison avec les précédents sondages, de son évolution.

- en l’occurence, le questionnaire additionne des violences actuelles, et des violences qui datent de dix, vingt, trente ans, peut-être plus (les femmes ont "18 ans et plus", sans autre précision)

- c’est pourquoi là où l’ENVEFF arrivait, pour le même type de violences, à 3,4%, Ipsos trouve trois fois plus...

- l’ENVEFF arrivait à 10% en ajoutant aux violences physiques-sexuelles des violences ou pseudo-violences psychiques, tout cela dans une même époque. Ipsos arrive à 10% en additionnant les violences physiques-sexuelles de plusieurs époques. Dans les deux cas, il y a comme une forte ambiguïté.

Mais après tout Ipsos n’est qu’un fournisseur de produit, il satisfait une commande. C’est la manière dont est présenté et accommodé le produit que réside sa nocivité. Et cela, c’est le travail de Marie-Claire...

 

Les manipulations de Marie-Claire

- Même si c’est son droit de ne s’intéresser qu’aux victimes féminines, à aucun moment la revue n’évoque l’existence d’enquêtes ayant interrogé les hommes, et leur conclusion, à savoir l’équivalence quantitative des violences conjugales.

- même si c’est son droit aussi de commander un sondage qui porte sur toute la vie des interrogées, la revue fait comme s’il décrivait la situation présente. Par le titre de couverture, "10% des Françaises violées ou frappées" ou par des phrases au présent comme "Oui, une femme sur dix est bien victime" (p.103).

- ce même titre, comme cette même phrase présentent le chiffre comme un fait établi, et non comme le résultat hypothétique d’une enquête. Pire : le commentaire suggère lourdement, quoique sans en proposer la moindre démonstration, qu’il serait plutôt inférieur à la réalité.

- ce titre encore est doublement mensonger. Par définition, le sondage ne porte que sur les femmes qui vivent en couple, c’est-à-dire environ 70% (pour les plus de quinze ans). L’omission de cette précision, que le lecteur ne décèle pas forcément, fait encore augmenter subjectivement la proportion !

- le texte intitulé "Europe : des solutions radicales" est introduit ainsi : "Parce qu’une Européenne sur cinq subit au cours de sa vie des violences infligées par son compagnon, certains Etats membres de l’UE frappent fort." Une sur cinq : cette fois, on arrive à 20%, un chiffre fabriqué sans doute en faisant la moyenne d’enquêtes à l’étranger tout aussi ambiguës. Ainsi lit-on 22% pour la Finlande, mais seulement 1% pour la Suède, ou "En Espagne, où entre 2002 et 2003, le nombre de femmes battues a augmenté de 34%" ! C’est vraiment n’importe quoi !

 

A quand rectificatifs et excuses ?

A l’époque, nous avons été nombreux à envoyer des courriers de protestation. A ce jour, aucun d’eux n’a été publié, ni cité, ni même évoqué, alors même que la rubrique "Lecteurs" publie des considérations complètement insignifiantes - il est vrai que c’est la vocation d’une telle publication, dont on se demande à quel titre elle se permet d’aborder des problèmes de société.

Pourtant cette enquête est une affabulation et une agression en règle contre les hommes. Nous continuons donc d’exiger de la revue qu’elle reconnaisse avoir procédé à une opération purement idéologique et commerciale (8 mars oblige), qu’elle donne à ses lecteurs connaissance des enquêtes sérieuses et des véritables chiffres, qu’elle s’excuse auprès de ses lecteurs(trices) de les avoir induit(e)s en erreur, et auprès des hommes d’avoir alimenté la campagne de dénigrement et de dépréciation qu’ils ont à subir quotidiennement.

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Patrick Guillot, octobre 2005

Le questionnaire sur le site d’Ipsos :

http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/articles/1517.asp

 



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