Géniteur malgré lui, il réclame justice. Libération, 4 juillet 2007


[Inégalité des droits : un homme est "utilisé" pour une naissance qu’il n’a jamais souhaitée. La mère, par voie de "justice", le contraint cependant à reconnaître sa paternité et à l’assumer financièrement. La Cour d’appel confirme..]

 

Le père d’un enfant non désiré poursuit la mère. L’affaire est en cassation.

Géniteur malgré lui, il réclame justice
 
 

Un homme peut-il attaquer en justice une femme qui a gardé un enfant dont il ne voulait pas ? Et gagner ? Cela aurait pu rester une banale histoire de drague. Benoît et Anne-Marie (1) se sont suffisamment plu pour coucher ensemble le soir de leur premier rendez-vous, fixé par petite annonce. C’est à peu près la seule chose sur laquelle ils sont d’accord. De cette union est né un enfant.

 
Quinze ans après, ils se retrouvent devant la Cour de cassation. Benoît poursuit Anne-Marie pour « faute » et demande ­réparation. Lui affirme qu’il n’y eut qu’un soir. Elle parle d’une relation de plusieurs semaines qui s’est achevée brusquement : « Je lui ai dit que j’étais enceinte. Il a tourné les talons. » Anne-Marie ne prenait plus la pilule depuis qu’elle était séparée du père de sa petite fille : « Je ne pensais pas à ça », se justifie-t-elle aujourd’hui. Elle a reçu sa grossesse surprise comme « un don du ciel ».
 

C’était en 1991. Aujourd’hui Benoît parle d’un « désastre ». Il décrit une « ruse machiavélique ». Il se sent « piégé » : « Il n’y avait aucun doute qu’elle utilisait un moyen de contra­ception. »

 

Refus de test

 

En 1993, elle l’assigne en justice pour une reconnaissance en paternité : « Je ne voulais pas de nom, pas de pension, juste qu’il soit clair avec cet enfant. » Benoît, avocat, se soustrait au test et multiplie les pro­cé­dures. Las, en 2000, la justice le reconnaît officiellement comme le père et le ­condamne à verser une pension alimentaire de 304 euros dont il ­s’acquitte chaque mois.

 

Procédurier, Benoît ne s’est pas laissé faire. « Vous laissez votre sac ouvert dans un café et vous vous faites voler votre portable : ce n’est pas parce que vous êtes léger que l’autre est exonéré de sa responsabilité », argumente-t-il. J’ai le droit de disposer de ma vie familiale. » Y compris de ne pas en avoir.

 

Logique

 

C’est avec ce raisonnement que Benoît a attaqué pour faute. Selon lui, les femmes qui ont « le pouvoir exorbitant » de choisir si elles font des enfants (y compris dans le dos d’un homme) ont « une responsabilité accrue ». Cette logique s’applique aussi dans le cadre d’une relation suivie « où une femme tromperait un homme naïf qui ne veut pas d’enfant », plaide-t-il. Jusqu’à présent, la justice lui a donné tort.

 

Le 21 mars 2006, la cour d’appel d’Orléans pose que « le simple fait de devenir père, même sans l’avoir recherché, ne ­sau­rait être considéré comme un fait dommageable ». Elle pointe aussi les responsabilités du « monsieur » : « Tout homme qui accepte des rapports non protégés encourt [.] la possibilité d’une procréation. » Et le condamne à 10 000 euros de dommages et intérêts.

 
Depuis cette histoire, Benoît, déjà père de plusieurs enfants, s’est marié et a eu un garçon. A part sa femme, nul n’est au courant. Anne-Marie, elle, a dit à son fils : « Ton papa habite Paris mais il est souvent en voyage. Il est fâché contre moi. » La Cour de cassation doit se prononcer prochainement.
 
 

(1) Les prénoms ont été modifiés.

Charlotte Rotman

Libération, mercredi 4 juillet 2007

http://www.liberation.fr/actualite/societe/265047.FR.php

 



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