ALIENATION PARENTALE

 

A voir, diffusé sur Arte le 12 mai 2023, un film remarquable : Parce que tu m’appartiens, d’Alexandre Dierbach (2019)



“La lutte contre l’inceste ne justifie pas l’abandon du concept d’aliénation parentale". Delphine Provence, Paul Bensussan. Marianne, 28/1/2022

 

La lutte contre l’inceste ne justifie pas l’abandon du concept
d’aliénation parentale”


 

La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) appelle à proscrire le concept d’« aliénation parentale », qui se définit comme le rejet d’un parent par un enfant après une séparation parentale conflictuelle, au motif qu’il serait un « bouclier » brandi par les pères abuseurs. Delphine Provence, avocat, et Paul Bensussan, psychiatre expert agréé par la Cour de cassation, expliquent pourquoi il s’agit d’une erreur, selon eux.


 

Tout récemment est paru un ouvrage (Aliénation parentale. Regards croisés, Blandine Mallevaey, éd. Mare & Martin, janvier 2022) consacré à l’aliénation parentale, objet de critiques acerbes et passionnées. Comment le droit, la jurisprudence et les psychiatres appréhendent-ils les situations dans lesquelles un enfant rejette l’un de ses parents sans raison objective ? Dirigé par Blandine Mallevaey, professeur de droit privé et sciences criminelles à l’université catholique de Lille, cet ouvrage pluridisciplinaire permet, par les « regards croisés », un débat digne de ce nom.

Notre propos n’est pas d’adopter la tonalité passionnelle propre à ce champ, mais tout simplement de pointer les contre-vérités assenées au nom de la protection de l’enfance. Deux d’entre elles sont omniprésentes : l’aliénation parentale n’existe pas ; elle est de plus un bouclier contre l’inceste. Son utilisation doit donc être proscrite en justice. C.Q.F.D. Les plus fanatiques, parmi lesquels un juge des enfants (!), ajoutant que « notre système judiciaire est conçu pour générer l’impunité des abuseurs » (sic). Au point que les enfants sont arrachés aux mères qui voudraient les protéger, et que les médecins qui signalent ces situations se verraient sanctionnés par l’Ordre des médecins… Il nous a paru nécessaire de répondre à ce délire collectif, repris à l’unisson par des médias dénués de tout sens critique, dont la noblesse de la cause semble les avoir privés. Ou dispensés ?

L’amalgame sciemment entretenu entre l’inceste et l’aliénation parentale alimente les plus virulentes prises de position, non dénuées de fanatisme, et démontre le militantisme et le manque de professionnalisme de leurs auteurs. Il existe suffisamment de publications sur l’aliénation parentale (rejet sans raison légitime d’un parent par un enfant) pour ne pas développer ici l’absurdité de sa confusion avec l’inceste.

Les auteurs de l’ouvrage cités dans cette tribune seraient sans doute amusés de savoir qu’aux yeux des contempteurs et des sycophantes, l’objet même de leur travail… est une chimère. Pour mémoire, Paul Bensussan est le seul psychiatre français coauteur de Parental Alienation, ouvrage coordonné par William Bernet, pédopsychiatre américain, riche de plus de 600 références bibliographiques sur une problématique familiale dont la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE) soutient… qu’elle n’existe pas.

L’absence de l’aliénation parentale des classifications actuelles est souvent présentée comme la preuve de sa non-existence. La problématique figure pourtant sans ambiguïté, dans l’esprit sinon dans la lettre, avec l’apparition de nouvelles entités et troubles relationnels dans le DSM 5 (dernière version de la classification américaine des troubles mentaux). Parmi elles, la notion « d’abus psychologique de l’enfant » présente de surcroît l’avantage de souligner le fait que l’abus n’est pas que sexuel. Le monoïdéisme militant, ici, n’est pas de mise : il y a, hélas, plusieurs façons de maltraiter un enfant, et la rupture imposée avec un parent, la supercherie morale, la manipulation, sont rencontrées lors de séparations parentales conflictuelles.

Rappelons enfin que les classifications évoluent sans cesse : des entités disparaissent, d’autres font leur entrée. Le jeu pathologique, par exemple, n’a été intégré dans le DSM que dans sa troisième édition, en 1980 : est-ce à dire qu’auparavant, il n’existait pas ? Non, décidément, l’argument est bien court et nous persistons à penser – et sommes en mesure de démontrer – que les taskforces de l’American Psychiatric Association comme de l’OMS [Organisation mondiale de la Santé] ont reculé devant la véhémence des pressions militantes.

Nul n’est capable d’argumenter sérieusement l’idée, ou plutôt le postulat, que l’aliénation parentale serait le bouclier des pères incestueux. Moins encore l’affirmation folle selon laquelle la justice, pour punir les mères tentant de protéger leurs enfants, les leur arracherait pour les livrer à leur abuseur. Le « déni de réalité » du système judiciaire n’ayant pas d’autre objet, selon le magistrat qui copréside cette commission indépendante, que de « générer l’impunité des agresseurs ».

Telle est, nous dit l’avis de la CIIVISE, la stratégie de l’agresseur  : « Si tu parles, on va te retirer les enfants. C’est toi qui iras en prison. » Menace que la commission considère comme confortée par le réel puisque, de fait, les mères « ne sont pas crues et sont suspectées de manipuler leur enfant ».

Le raisonnement est simple, voire simpliste : protéger la mère, c’est protéger l’enfant. C’est d’ailleurs le titre de l’ouvrage publié en 2013 par Édouard Durand, juge des enfants, coprésident de la CIIVISE. Il faudrait donc, dès lors qu’une accusation d’inceste est proférée, cesser toute poursuite contre la mère, y compris pour non-représentation d’enfant. Sans omettre la suspension de plein droit de l’autorité parentale et du droit de visite et d’hébergement du parent accusé, ainsi mis sur orbite pour quelques années, au rythme où passe la justice.

Il est impensable qu’une institution dénonçant avec force et raison le sexisme se montre aussi binaire et manichéenne dans ses raisonnements. Que dire aux mères rejetées par leur enfant dans les suites d’un divorce conflictuel ? Que ce rejet soit spontané, forme d’alliance entre l’enfant et le père, ou le résultat d’une manipulation, importe au fond assez peu : il existe bel et bien des rejets infondés, à tout le moins non explicables par la qualité antérieure de la relation. Les pères sont loin d’en avoir le monopole et les mères injustement rejetées sont ulcérées par la confusion sciemment entretenue avec l’inceste par des collectifs du féminisme le plus virulent, drapé dans les oripeaux de la protection de l’enfance.

Un enfant coupé de l’un de ses parents – et bien souvent de toute la branche familiale concernée – est atteint dans son identité, menacé dans son développement psychoaffectif, et il faut une bien courte vue pour n’évoquer, en pareil cas, que la suspicion d’inceste. Psychologique ou sexuelle ? La maltraitance, en tout cas, ne fait ici aucun doute.

De telles considérations ne réfrènent pas l’élan de la commission. Dans un article publié le 17 janvier 2022 dans le journal Le Monde, est décrit le Tour de France entamé par la CIIVISE, qui se terminera à Paris le 16 février 2022. Dans le cadre de réunions mensuelles dans différentes villes, des séances de groupe, aux allures de catharsis, permettent aux victimes de s’exprimer selon un véritable « rituel ». Le plus troublant étant qu’une militante du féminisme le plus radical gère, selon l’auteur de l’article, la ligne d’écoute de la CIIVISE : ce qui soulève la question de la neutralité et de l’objectivité des conclusions à venir.

C’est dans ce climat que Caroline de Haas ose ce tweet du 21 janvier :

La @PoliceNationale et la @justice_gouv sont des institutions anti-femmes et anti-enfants. Peut être qu’un jour on dira toutes : « Stop. On ne va plus porter plainte. » et qu’on ira occuper, toutes ensemble, les commissariats et tribunaux pour que ça change.

Un tel propos est une offense faite à la justice et à la police, mais aussi à l’intelligence des femmes, ainsi instrumentalisées pour les besoins de la cause. Le terreau sur lequel de telles opinions sont en train de germer pourrait pourtant nourrir bien d’autres dérives.

 

Delphine Provence et Paul Bensussan. Marianne, le 28/01/2022

 

https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/la-lutte-contre-linceste-ne-justifie-pas-labandon-du-concept-d-alienation-parentale?fbclid=IwAR2NwUe2Ctb20j8nKdqxiqpZWGfUqF0E2LxT5451pAViTY0UY7G4xMPF88c



 

 



 

 

 

 

 




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