A propos de "Du côté des hommes" de Marie Rouanet (2001) / Patrick Guillot


 

 Marie Rouanet. Du côté des hommes. Albin Michel, 2001

Marie Rouanet parle des hommes, tels qu’elles les a vus depuis son enfance, père, amis de la famille, copains, amants, mari, fils. Et comme elle est peu théoricienne, elle parle d’odeurs, de couleurs, d’images, de moments fugaces. Constamment, elle exalte leur différence, et cette différence des sexes qui la nourrit et l’enchante. Voici d’ailleurs comment elle définit son projet, en s’adressant à son compagnon :
 
Tu es, toi et tous ceux que j’ai pu approcher, ce que je ne comprends pas et cherche à rencontrer. A tâtons. Par brèves lueurs. Avec curiosité et tendresse.
 
J’ai commencé à être ému dès la première page, lorsqu’elle décrit ce qui lui apporta, à neuf ans, « ce signe de la différence des hommes » :
 
Mon père entrait doucement dans la chambre où je dormais avec ma sœur, se penchait vers moi et m’embrassait légèrement pour ne pas me réveiller. Et l’odeur me submergeait. Je ne savais ni la nommer ni l’analyser mais je la re­connaissais. C’était celle de sa veste de chasse, de son passe-montagne de laine, de tous ces vêtements de toile épaisse, usés et délavés qu’il portait le dimanche en dimanche d’automne et d’hiver, de l’ouverture à la fermeture, sans qu’entre-temps ils fussent lavés.
 
Emu, je l’ai été tout au long. Car des passages comme cela - lumineux et subtils - il y en a encore et encore ! Cette femme a un talent rare pour mettre en mots sa quête quotidienne, patiente et chaleureuse de la vérité de l’autre sexe. C’est pourquoi je préfère la citer à nouveau plutôt que la commenter.
 
Ainsi, sur le besoin des hommes de se retrouver entre eux, un thème qu’elle traite largement :
 
Je ne saurai jamais quel est l’exact contenu de la fra­ternité des hommes, dans l’ivresse, la nuit, la table du café où ils jouent aux cartes, dans la conversation sous les platanes de l’été, dans ce garage à la sortie du village où ils mangent. J’ai de nombreuses photographies de chasse. (…). Tout ce qui était leur, non seulement les fuit mais ils n’osent plus s’en pré­valoir. (…) Il n’est pas étonnant qu’ils cherchent encore des lieux et des temps qui leur appartiendraient en propre. 
 
Ou encore - thème difficile- sur le corps de son compagnon :
 
Tu dors. Au creux de tes cuisses, il y a ce sexe enfin au repos. Doux comme celui d’un enfant. Beau. Tu as dû, toujours, louer le corps féminin, mais qui a chanté le tien ? Des hommes parfois, mais quelle femme ?
 
J’aime ce sexe. Il s’épanouit dans ma bouche, jacinthe rose et violacé. J’aime ce gland, plus lisse qu’une cerise, ce frein qui ressemble au fil de la langue. J’aime ces testicules que je pèse dans ma paume, tièdes, lourds, en songeant à la fragilité des pies nues dont le cœur battait si fort. J’aime ces épaules et cette poitrine que je flatte comme un flanc de bête, ces yeux plus vastes que les miens, ces cils plus longs et qui n’ont jamais reçu d’artifices.
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Patrick Guillot. RH Infos n° 27, mars 2002
 


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