Son ex-compagne décède après l’accouchement... Il se bat pour récupérer sa fille née sous X. Actu.fr, Bretagne, 30 mai 2023
Son ex-compagne décède après l’accouchement. Il se bat pour récupérer sa fille née sous X.
Quand il a appris qu’il avait eu une fille, qu’elle était née sous le secret, Patrick L’Hopitalier a remué ciel et terre pour la récupérer. Récit d’un long combat.
Le genre de coup de fil qui bouleverse une existence. « J’ai quelque chose à te dire… » En avril 2022, Patrick L’Hopitalier a appris, par la voix de la mère de son ex-compagne, au téléphone, qu’il était papa… Une fille, née sous X quelques mois plus tôt, en janvier.
Le petit bout a été mis au monde à la maternité de Fougères (Ille-et-Vilaine) par Coralie*. Une femme avec qui Patrick L’Hopitalier avait eu une histoire pendant un an.
Déni de grossesse
Elle est malheureusement décédée trois semaines après l’accouchement des suites d’une longue maladie.
Elle avait fait un déni de grossesse. Sa maman m’a expliqué qu’elle pensait avoir un kyste et qu’elle allait à l’hôpital pour se le faire enlever. Or, elle attendait un bébé et elle a accouché.
Aujourd’hui encore, il ne sait pas pourquoi son ex-compagne a accouché sous X.
Il pense que c’était pour donner une chance à son bébé : « Elle se savait condamnée. Elle savait aussi qu’elle laissait déjà derrière elle trois autres enfants eus d’une autre union. »
« J’attendais un accompagnement, on m’a trahi »
Pour lui, qui est en train de refaire sa vie, ce coup de fil est le point de départ d’une course à obstacles et de montagnes russes d’émotions. La sidération, d’abord. Qui laisse place, très vite, au désir de voir sa petite, de la serrer dans ses bras.
Le lendemain de l’annonce fracassante, il prend sa voiture et se rend à Chantepie, à la pouponnière du département d’Ille-et-Vilaine. « On m’a repoussé en me demandant de suivre la procédure », raconte Patrick L’Hopitalier. Il entre alors en contact avec le chef du service. « Les premiers rendez-vous étaient positifs. »
Il passe du rêve au cauchemar : « Je m’attendais à un accompagnement, à être aiguillé pour récupérer ma fille, mais j’ai été trahi. Le Département s’est révélé être un véritable obstacle », tance Patrick L’Hopitalier qui reconnait officiellement sa fille le 26 avril.
Présentée à deux familles adoptives
Dans la foulée, il signe un procès-verbal de remise de l’enfant en qualité de pupille de l’État à titre provisoire. Deux mois plus tard, le préfet signait un arrêté admettant la petite fille en pupille de l’État.
Ils m’ont amené là où ils voulaient que j’aille : vers un abandon. Je n’y connaissais rien et on m’a instrumentalisé. Ils l’ont même présentée à deux familles adoptives alors qu’ils savaient que je voulais
la récupérer.
Quand il comprend les conséquences de cet arrêté, Patrick L’Hopitalier le conteste en déposant un recours devant le tribunal. Rejeté par le procureur au motif de l’intérêt de l’enfant.
Il passe à la vitesse supérieure et prend un avocat : Pauline Loirat, du barreau de Nantes, spécialisée dans ce genre d’affaires.
Elle a accepté sans difficulté : « J’ai tout de suite senti son attachement pour cette petite fille et j’ai vu son côté combatif. Il m’a paru sincère et avait des éléments solides à faire valoir. »
À raison : elle obtient gain de cause lors de l’audience (lire encadré).
« L’enfant, dès sa naissance, a le droit de connaître ses parents »
Convaincu que sa fille devait lui être rendu, Patrick L’Hopitalier s’est donc décidé à aller en justice. Une première audience devait avoir lieu en décembre 2022 devant le Juge aux affaires familiales. Après avoir obtenu un délai pour constituer un dossier solide, il doit se présenter le 3 janvier 2023, à Rennes. À l’audience, Patrick L’Hopitalier et Pauline Loirat, son avocate, font face au Département. Ce dernier développe ses arguments autour de « l’intérêt de l’enfant ». Ils mettent en avant l’âge de Patrick (52 ans, NDLR), son état de santé et qu’il avait signé le procès-verbal de remise de l’enfant en qualité de pupille de l’État à titre provisoire. « Ils ont estimé qu’il était insécure pour la petite », précise Pauline Loirat. Des mots qui l’ont blessé : « C’est honteux ce que j’ai entendu sur moi. J’ai élevé deux enfants. Ils ont aujourd’hui plus de 20 ans et une vie tout à fait normale », peste Patrick L’Hopitalier. Son avocate a, quant à elle, prouvé que l’arrêté admettant Louann en qualité de pupille de l’État était « irrégulier car pris avant le délai d’expiration ». Elle a surtout insisté, elle aussi, sur l’intérêt de l’enfant. « L’intérêt supérieur de l’enfant est de se voir reconnaître ses liens de filiation biologique », assène Me Loirat qui s’est évertuée à démontrer que Patrick pourrait apporter « sécurité affective et matérielle » à Louann. Des arguments qui ont fait mouche. Le Procureur de la République est allé dans leur sens, estimant que « rien ne faisait obstacle à ce qu’elle lui soit rendue ». La décision est tombée début février : l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État a été annulé et le tribunal a ordonné la restitution de l’enfant à son père. Le conseil départemental n’a pas fait appel de ce jugement.
« Ils ne lui ont jamais remis les cadeaux que j’ai apportés »
Une immense joie pour le papa, doublée d’un saut dans l’inconnu : « Je ne l’avais jamais vue. Ils ont toujours refusé que je la voie. Ils ne lui ont jamais remis les cadeaux que j’ai apportés sous prétexte que ça pouvait la perturber. D’où une peluche perturbe un enfant ? », gronde Patrick L’Hopitalier.
Le papa est encore très remonté : « J’ai l’impression qu’ils considéraient que j’étais moins bien pour élever ma fille qu’une famille choisie… Ça demande énormément d’énergie et il faut
rester calme devant ce petit monde-là. »
« Le service adoption a agi dans un cadre législatif précis »
Sollicité par nos soins pour évoquer cette affaire, le Département
nous a répondu que « le service adoption a agi dans un cadre législatif précis » : « Lorsqu’un enfant est né sous le secret, il est confié à l’aide sociale à l’enfance. Dans le cas où le père souhaite reconnaitre l’enfant, il a 2 mois pour faire sa reconnaissance classiquement auprès d’un service d’état civil. Passé ce délai, il lui reste 30 jours pour faire appel, auprès du tribunal, de l’arrêté du Département déclarant l’enfant pupille de l’État et demander à récupérer son autorité parentale. Le tribunal sera alors compétent pour décider de la recevabilité de la requête. Dans l’attente d’une audience, l’enfant reste confié à l’Aide sociale à l’enfance sous l’autorité du préfet, assisté d’un conseil de famille des pupilles de l’État. Au regard de la situation et afin de préserver l’enfant, le conseil de famille peut décider de différer toute mise en relation avant la décision du tribunal. Si le tribunal statue en faveur d’une remise de l’enfant à son père, le Département accompagne la mise en relation avec l’enfant. » Le Département n’a pas voulu commenter davantage la situation évoquée dans l’article arguant qu’elle est « couverte par le secret
professionnel ».
Acclimatation, pas à pas
Il rencontre Louann pour la première fois en février dernier. La petite fille a alors 13 mois.
Après un temps de mise en relation nécessaire pour que chacun prenne ses marques, elle s’installe dans la maison de Patrick et Isabelle, sa compagne, dans le Finistère où le couple a emménagé. « Sa chambre était prête depuis un moment. Ses cadeaux de Noël l’attendaient », sourit Isabelle, elle aussi très émue.
Depuis, l’acclimatation se passe pour le mieux.
Elle s’adapte à son nouvel environnement et nous à elle. C’est une petite fille très facile. On ne va pas bousculer les choses. On ne lui a pas encore présenté ses demi-frères et demi-sœurs, ça se fera naturellement.
Viendra aussi, plus tard, le besoin de lui parler, aussi, de sa maman. « Elle était une femme bien, une belle personne. Louann le saura », assure Patrick L’Hopitalier qui écrit des lettres pour tout expliquer à sa fille.
Ce sera toujours moins brutal qu’un coup de fil.
Actu.fr, Bretagne, Ille et Vilaine, Fougères
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