Un masculin nouveau en alliance avec le féminin (extrait). Pierre Trigano. Réel, mars 2007


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[Texte intéressant sur une personnalité masculine "symbolique humble et discrète". On notera cependant les contorsions dialectiques auxquelles se livre l’auteur : écrire qu’un homme rend service à une partie de l’humanité et plus particulièrement aux femmes, ce n’est pas "politiquement correct". Il faut donc prendre mille précautions : ce n’est plus un homme comme les autres, c’est forcément une exception, un homme différent, relevant d’un "masculin nouveau" ! En fait, il s’agit du masculin éternel : aider, protéger les femmes, c’est bien ce qu’ont fait non pas "les" hommes mais la plupart d’entre eux, à toutes les époques, depuis les temps les plus reculés !] 
 
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Un masculin nouveau en alliance avec le féminin
 
Cette reconnaissance n’est en fait possible que si un nouveau masculin, qui n’a plus peur de s’allier avec la féminité, vienne dans la psyché collective à la place de l’ancien qui la repoussait. Cette alliance signifie, comme le souligne Agnès Vincent, que la puissance de l’affirmation qui caractérise le masculin dans l’être humain n’a plus peur de l’ouverture à autrui qui caractérise le féminin, mais au contraire peut l’épouser. Il est certes évident qu’il ne peut y avoir de politique ou de pouvoir sans masculin, car la politique est exercice de la puissance et relève donc symboliquement du masculin : la question étant de savoir si cette puissance peut être mise au service de l’éthique féminine de l’amour et de l’ouverture à autrui, plutôt qu’au service de l’égocentrisme et de l’esprit de compétition. Autrement dit : le féminin peut-il advenir au sein de la sphère masculine du pouvoir ? Le masculin peut-il s’affirmer dans l’être humain comme puissance du féminin ?
 
Je vous propose de voir dans le Prix Nobel de la paix accordé en 2006 à Muhammad Yunus le symbole même de ce nouveau masculin. En inventant le microcrédit, le bangladais "banquier des pauvres" a en effet montré que la logique économique qui fonde l’exercice masculin de la puissance dans les sociétés pouvait efficacement être mis au service de l’accueil des populations déshéritées du Sud en les faisant entrer dans un processus de développement durable. Il n’est d’ailleurs pas anodin sur le plan symbolique que les principaux bénéficiaires des microcrédits sont, au sein de ces populations, les femmes, enfin reconnues comme les agents principaux du développement économique, premier pas vers la reconnaissance de la légitimité de leur présence dans toutes les instances de la société. Muhammad Yunus peut bien ainsi nous apparaître comme une figure symbolique humble et discrète de ce nouveau masculin qui se réalise comme puissance conférée au féminin, espoir d’un renouvellement positif de la conscience humaine.
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Pierre Trigano
dans Une lecture symbolique de l’année 2006. Réel, mars 2007, p.15


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