Les pères réclament du temps pour s’occuper de leurs enfants. Libération, 18 mars 2008


 

 

Les pères réclament du temps pour s’occuper de leurs enfants

Famille. Selon une étude, les cadres sup s’impliquent plus dans leur foyer.

Des pères qui rentraient tard du bureau et ne faisaient jamais faire les devoirs à leurs enfants. Des pères qui n’avaient pas le temps de les emmener à l’école le matin, ni de leur lire des histoires le soir. Des pères perdus en cuisine dès qu’il fallait cuire deux œufs. Des pères d’autrefois. Des dinosaures comme il semble finalement en rester peu. "La paternité a muté à l’échelle d’une génération", affirme une enquête menée par le cabinet Equilibres auprès de cadres dirigeants âgés de 30 à 40 ans (1). Exit les pater familias : "Le père est devenu autonome sur l’ensemble des activités parentales et surtout avide d’échanger au quotidien avec ses enfants." Trop beau pour être vrai ?

Epanouissement. L’étude distingue en tout cas trois profils de pères managers. Les "équilibristes" forment le gros du bataillon (52 % de l’échantillon). Particulièrement demandeurs d’aménagement de leur temps de travail, ils comptent souvent parmi les plus jeunes et sont pères d’enfants de moins de 3 ans. Ils vivent leur paternité comme un épanouissement et se prononcent pour une "déspécialisation des rôles".

Les plus convaincus sont les "égalitaires" (33 % de l’échantillon), sorte de pionniers de l’égalité hommes-femmes dans leur couple autant qu’au travail. Ceux-là seraient demandeurs d’une "révolution culturelle" au sein de l’entreprise. Ils ont identifié un certain nombre de freins qu’ils déplorent : préjugés sur le rôle d’un homme, culture de l’implication totale encore augmentée par les outils technologiques (mails, BlackBerry…) et tabous autour des temps de respiration professionnelle (congés parentaux, temps partiels, etc.). Pour les "égalitaires", peu importe qui de l’homme ou de la femme apporte des revenus : ils se disent prêts à arbitrer en couple des temps de pause dans leur carrière.

Reste enfin le groupe des "pourvoyeurs de revenus" (15 % de l’échantillon), finalement encore assez proche du modèle classique : des hommes qui ont construit leur identité à travers le travail. Ils sont prêts à des sacrifices personnels et à des compromis professionnels. Leur temps de travail déborde largement sur leur temps familial. Et ils se reposent beaucoup sur leurs femmes pour les tâches domestiques. Mais ils ressentiraient "tensions et frustrations" autour de "la difficulté d’être père" et de "la maîtrise de leur emploi du temps", résume l’étude. Leurs enfants ont souvent 7 ans et plus.

Globalement, deux tiers des hommes interrogés ont utilisé leur congé paternité. Mais tous ont encore du mal à oser s’absenter durant une journée pour organiser la garde d’un enfant malade. Quand ils le font, c’est souvent en douce, sans rien dire. Ils se sentent encore très fortement contraints au "présentéisme".

On pourrait regretter que cette étude ne concerne que des cadres dirigeants. Mais c’est précisément parce qu’ils sont décisionnaires dans leurs entreprises que l’enquête s’est concentrée sur eux : ils sont en situation d’adapter les règles du jeu. Intitulée "Les pères managers en quête d’équilibre, portrait d’une génération qui entend réconcilier travail et paternité", l’étude fait le pari que "l’exemple [vienne] d’en haut".

Les pères sondés sont également salariés de grands groupes (Suez, PSA, Coca-Cola, Saint-Gobain, Bain & Company), où des services de conciergerie ou de crèches aux horaires adaptés aux salariés existent déjà. C’est évidemment une autre affaire dans les PME, mais ces situations-là ont volontairement été mises de côté. Question de choix.

"Biactifs". Enfin, les pères étudiés n’ont pas seulement le pouvoir de faire avancer les choses, ils ont également des épouses fortement diplômées : l’ambition professionnelle ne leur est plus réservée. En France, 80 % des couples sont d’ailleurs "biactifs : parentalité et travail vont de pair". Les Françaises ont en outre l’un des plus forts taux d’activité d’Europe et détiennent le record de fécondité (2 enfants par femme en 2006).

L’intérêt de cette étude, c’est d’avoir pris la question à contre-pied. D’ordinaire, la question de l’égalité au travail et dans la famille est vécue comme un problème féminin. Pas cette fois. Mais rappelons que, en 2006, une étude Eurostat avait calculé que les femmes consacrent encore en moyenne 4 h 30 par jour aux tâches domestiques, et les hommes… 2 h 22.

(1) Cette société, spécialiste de l’articulation entre temps professionnel et personnel, a conduit cette étude auprès de 60 cadres à haut potentiel, âgés de 28 à 40 ans (étude qualitative), dans cinq entreprises du CAC 40, ainsi qu’auprès de 400 cadres masculins (étude quantitative) sur la même tranche d’âge.

Marie-Joëlle Gros

Libération, 18 mars 2008

http://www.liberation.fr/vous/316209.FR.php

Le site d’Equilibres :

equilibres.eu/wwwPublic/equilibre/ ;jsessionid=174D6519441785E9F3B26813DD691EBC

 



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