Géniteur malgré lui, il réclame justice. Libération, 4 juillet 2007
Le père d’un enfant non désiré poursuit la mère. L’affaire est en cassation.
Un homme peut-il attaquer en justice une femme qui a gardé un enfant dont il ne voulait pas ? Et gagner ? Cela aurait pu rester une banale histoire de drague. Benoît et Anne-Marie (1) se sont suffisamment plu pour coucher ensemble le soir de leur premier rendez-vous, fixé par petite annonce. C’est à peu près la seule chose sur laquelle ils sont d’accord. De cette union est né un enfant.
C’était en 1991. Aujourd’hui Benoît parle d’un « désastre ». Il décrit une « ruse machiavélique ». Il se sent « piégé » : « Il n’y avait aucun doute qu’elle utilisait un moyen de contraception. »
Refus de test
En 1993, elle l’assigne en justice pour une reconnaissance en paternité : « Je ne voulais pas de nom, pas de pension, juste qu’il soit clair avec cet enfant. » Benoît, avocat, se soustrait au test et multiplie les procédures. Las, en 2000, la justice le reconnaît officiellement comme le père et le condamne à verser une pension alimentaire de 304 euros dont il s’acquitte chaque mois.
Procédurier, Benoît ne s’est pas laissé faire. « Vous laissez votre sac ouvert dans un café et vous vous faites voler votre portable : ce n’est pas parce que vous êtes léger que l’autre est exonéré de sa responsabilité », argumente-t-il. J’ai le droit de disposer de ma vie familiale. » Y compris de ne pas en avoir.
Logique
C’est avec ce raisonnement que Benoît a attaqué pour faute. Selon lui, les femmes qui ont « le pouvoir exorbitant » de choisir si elles font des enfants (y compris dans le dos d’un homme) ont « une responsabilité accrue ». Cette logique s’applique aussi dans le cadre d’une relation suivie « où une femme tromperait un homme naïf qui ne veut pas d’enfant », plaide-t-il. Jusqu’à présent, la justice lui a donné tort.
Le 21 mars 2006, la cour d’appel d’Orléans pose que « le simple fait de devenir père, même sans l’avoir recherché, ne saurait être considéré comme un fait dommageable ». Elle pointe aussi les responsabilités du « monsieur » : « Tout homme qui accepte des rapports non protégés encourt [.] la possibilité d’une procréation. » Et le condamne à 10 000 euros de dommages et intérêts.
(1) Les prénoms ont été modifiés.
Charlotte Rotman
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