J’aime les hommes. Eve. Questions de femmes, mai 2002


J’aime les hommes
 
L‘homme que j‘aime regarde la télé jusqu‘à deux heures du matin, fait du shopping chez Décathlon tous les samedis, déverse chaque soir en rentrant une tonne de journaux qui se répandent partout dans le salon, laisse des traces de yaourts sur les canapés, adore les harengs marinés et se nourrirait d‘ailleurs volontiers exclusivement de poisson, alors que, pour ma part, je me refuse obstinément à en faire cuire à l‘intérieur de la maison... Au ski, il réveille toute la famille à huit heures pour être à neuf heures sur les pistes, il attend que sa voiture fume pour se décider à faire faire une révision , et d‘être complètement à plat pour faire regonfler ses roues...
 
Voici une courte liste de ce que je ne comprends pas chez lui, une courte liste des différences entre lui et moi. C‘est aussi la courte liste des raisons pour lesquelles je l‘aime, et, par extension, pour lesquelles j‘aime les hommes.
 
C‘est Patrick qui m‘a fait le plus beau compliment qu‘on m‘ait fait. Il m‘a dit que j‘aimais les hommes non pas pour leur ressemblance avec les femmes, mais pour leur différence. J‘en ai été flattée et me suis remise à faire une liste, pas exhaustive non plus, de ce que j‘aime chez un homme.
 
J‘aime voir un homme absorbé dans un projet. J‘aime le voir assis au milieu du salon avec ses cartes et ses bouquins tout autour de lui. Il semble alors si heureux, si totalement lui-même...
 
J‘aime voir un homme réparer quelque chose. Quand je vois la grande main d‘un homme farfouiller dans les fils sous le capot d‘une grosse voiture, c‘est comme un éblouissement pour moi. J‘aime le bruit des outils, l‘odeur du bois coupé pour être transformé en étagères ou en bureau.
 
J‘aime la relation qu‘ont les hommes entre eux, leur respect mutuel de la vie privée de l‘autre, leurs révélations par petites touches, leur loyauté et leur confiance. Sur des parties de chasse ou de pêche, j‘ai été tellement souvent la seule femme, oubliée parfois, sorte d‘observateur attentif d‘une bande d‘animaux sauvages livrés à eux-mêmes ! En fait, ils étaient plus calmes que je ne l‘aurais cru, plus gentils entre eux que je ne l‘imaginais.
 
J‘aime la façon dont un homme peut être un enfant au milieu des enfants, un chien au milieu des chiens. J‘adore entendre un homme parler à un cheval.
 
J‘adore voir à quel point les hommes les plus intelligents peuvent être déconcertés par les choses les plus simples, telles que les femmes trop maquillées ou celles qui affirment être prêtes à s‘occuper d‘eux le reste de leur vie.
 
J‘aime les hommes lorsqu‘ils tombent amoureux, leur façon si stupide de se comporter alors. Il y a sûrement du vrai dans la théorie selon laquelle les hommes aiment les femmes de façon plus intense qu‘elles ne les aiment eux. Ils nous aiment si aveuglément, si violemment, comme s‘ils avaient momentanément perdu leur self-control ! Et quand la folie est passée, lorsqu‘ils réalisent que ce qui est arrivé n‘est pas si mal, ils sont souvent mieux en amour que les femmes. Plus patients, plus tolérants, plus faciles que nous ne le serons jamais.
 
J‘aime la façon dont les hommes se souviennent de ce que j‘oublie toujours, comme la vérification des extincteurs et le ramonage des cheminées une fois par an. Et juste au moment où je commence à penser qu‘il a cessé d‘être à l‘écoute de mes désirs, j‘adore le voir rentrer le soir avec un bouquin que je cherchais depuis dix ans ou une broche mexicaine en forme de coeur.
 
J‘ai un ami, Laurent, qui affirme que si vous preniez tous les hommes du monde, les mettiez dans un grand sac et commenciez à taper sur le sac, vous ne pourriez jamais parvenir à en battre un qui ne le mérite pas... Je mentirais si je disais qu‘il n‘y a pas de jour où je pense qu‘il a raison. Comme cette fois où l‘homme que j‘aimais a rompu avec moi au bout de deux jours, durant un voyage de deux jours... Ou la fois où un autre homme m‘a laissée sur le bord de la route avec plus de sacs que de bras, deux chiens, une canne à pêche et un ordinateur portable, à 800 kilomètres de chez moi.
 
Ce n‘est pas un secret que j‘ai aimé quelques sales mecs, et pas plus un secret que j‘ai mal aimé quelques types bien. Je me suis améliorée à la fois sur le choix et la façon d‘aimer. Je suis mieux préparée que je ne l‘étais à prendre le meilleur d‘un homme, et j‘arrive à ne pas lui demander davantage qu‘à n‘importe quel être humain. Autrement dit, je ne lui demande rien d‘autre que de faire preuve d‘humour, d‘honnêteté et d‘ouverture d‘esprit. La façon dont il va faire la preuve de tout ça reste à son entière discrétion. On parle beaucoup, depuis quelque temps, du fait que les femmes demandent aux hommes de leur ressembler davantage, mais je pose une première question : quelle femme le souhaite vraiment ? Pas une seule, je le sais. Deuxième question : pourquoi ? Parce que c‘est aussi peu vraisemblable que de demander à une montagne de ressembler à la mer. Mais qu‘y a-t-il de plus beau que la rencontre d‘un rocher et de la mer déchaînée ?
 
Eve
 
Questions de femmes, n°71, mai 2002, p.114


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