Allemagne : le droit des pères de s’assurer de leur paternité reconnu outre-Rhin. Le Monde, 16 février 2007


 
 
[Test de paternité en Allemagne : dans les grandes lignes, le problème est identique en France]
 
 
Allemagne : le droit des pères de s’assurer de leur paternité reconnu outre-Rhin
 
Comment conjuguer le droit de l’enfant à disposer de ses informations génétiques et le droit du père à s’assurer de l’origine de son enfant ? Cette question, qui a suscité des débats en Allemagne, vient d’être tranchée par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. En se prononçant, mardi 13 février, sur la plainte d’un homme qui avait procédé à un test ADN clandestin afin de déterminer sa paternité, la Haute Cour de justice a confirmé l’illégalité de cette pratique, mais a souligné qu’un homme qui doute ne dispose pas aujourd’hui de moyens légaux pour déterminer l’origine de son enfant. Pour corriger cette situation, les juges ont interpellé le gouvernement afin qu’il présente une nouvelle législation d’ici le 1er avril 2008.
 
SANCTIONNÉS PAR DEUX FOIS
 
A l’origine de cette procédure, Frank S., un fonctionnaire âgé de 37 ans, a cherché à faire annuler sa paternité en s’appuyant sur un test ADN effectué à l’insu de sa prétendue fille et de la mère. Malgré une expertise médicale qui lui attestait une infertilité à 90 %, les juges n’avaient pas considéré cet élément comme une preuve suffisante. Devant le refus de la mère de procéder à une analyse ADN, Frank S. avait envoyé en secret un chewing-gum de sa fille à un laboratoire privé. Le résultat était sans ambiguïté : Frank S. n’était pas le père biologique de son enfant. Néanmoins, il n’a pas pu faire valoir ce test auprès des tribunaux pour faire annuler sa paternité et les responsabilités financières qui en découlent.
 
Sur les 30 000 tests de paternité effectués, chaque année, en Allemagne, 15 000 sont ordonnés par les tribunaux, 1 500 ont lieu en secret, les autres avec l’accord de la mère. Si le fait d’être marié avec la mère à la naissance de l’enfant ou la reconnaissance de l’enfant après la naissance fait d’un homme un père aux yeux de la loi, un simple doute ne permet pas à un homme de vérifier sa paternité en cas de refus de la mère. Si son doute s’appuie sur des preuves concrètes, il peut éventuellement engager une procédure d’annulation en paternité pour obtenir une analyse ADN en toute légalité. Mais ce dispositif va souvent trop loin pour les hommes concernés, entraînant, en cas de résultat négatif au test ADN, la suppression de leur responsabilité juridique à l’égard de l’enfant.
 
Pour combler ce trou juridique, le ministère fédéral de la justice travaille à l’élaboration d’un projet de loi depuis plusieurs mois. Le nouveau texte devrait faciliter la recherche de paternité en créant une procédure indépendante du recours en annulation de la paternité. Dans le même temps, le législateur devrait veiller à ce qu’une preuve biologique n’entraîne pas automatiquement la suppression de la paternité juridique.
 
En parallèle, la ministre fédérale de la justice, Brigitte Zypries (SPD), évoque des poursuites en justice pour les pères qui recourent aux tests clandestins. Sur ce point, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) proteste, en soulignant que les hommes trompés sur l’origine de leur enfant vont se trouver ainsi sanctionnés par deux fois.
 
Cécile Calla
 
Le Monde, 16-02-2007
 
 


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