(Inceste affectif) Assises du Rhône : il découpe sa femme et appelle sa mère. Le Progrès, 28 novembre 2000


 

[Nous ne reproduisons des articles relatant des faits divers que s’ils ont une forte valeur démonstrative. C’est le cas avec l’article ci-dessous, qui relate un crime tragique, mais surtout en montre de manière saisissante la lointaine cause, un inceste maternel affectif total, un "cas d’école" comme le diagnostique l’experte-psychiatre, par ailleurs féministe militante. Jean Tinoco a écopé de dix-huit ans de prison ; sa mère est repartie libre : mais qui est vraiment responsable du crime ?]

 

Assises du Rhône : il découpe sa femme et appelle sa mère

Etouffé dans son couple, envahi par sa mère, Jean Tinoco a fini par étrangler sa femme. Puis il a découpé le corps en menus morceaux, jetés dans des sacs poubelles. La cour d’assises tente de comprendre pourquoi.

Hier, tout semble abstrait, face à la cour d’assises du Rhône. On parle d’un crime des plus sanglants. Mais les débats sont propres. A l’image de l’accusé, Jean Tinoco, 33 ans. Légèrement engoncé dans sa veste bleu marine, les lèvres pincées, la mâchoire serrée, il s’exprime doucement, logiquement. Et l’on a du mal à imaginer ses fines mains plongées dans l’horreur. Son front se plisse à peine lorsqu’il rappelle cette nuit fatale. Le dimanche 24 mai 1998, rue Voltaire à Pierre-Bénite, éclatait une dispute de plus, de trop. Maria n’en finissait pas de le rabrouer. « J’ai tout essayé pour la calmer., je l’ai suppliée à genoux ; je ne pouvais pas faire plus, tout s’enchaînait sans queue ni tête, sans fondement », raconte-t-il. Alors il a serré le cou de son épouse. « J’ai réalisé quand le silence est revenu dans l’appartement ». Jean Tinoco est allé chez des voisins s’assurer qu’ils n’avaient rien entendu, a hésité à prévenir la police. « C’est comme dans les films, on voit défiler sa vie, je voulais la faire taire, pas la tuer  », explique-t-il. Immédiatement après le crime, il a appelé sa mère. Il a posé le corps de sa femme sur le balcon, enveloppé dans une carpette. Il a affirmé qu’elle était partie, qu’il l’avait cherchée aux arrêts de bus. Sa mère est restée près de lui la nuit.
 
Le lendemain, il a décidé de faire disparaître le corps. Pas dans la Saône, « parce qu’on l’aurait retrouvé ». Il l’a découpé, méticuleusement, avec un couteau et un hachoir, sur le balcon, pendant qu’un cortège funèbre passait dans la rue. Il a placé les multiples morceaux dans dix sacs poubelles, qu’il a jetés dans des conteneurs de l’agglomération lyonnaise. « Avec le recul je n’arrive pas à imaginer que j’ai pu le faire » admet calmement l’accusé, se refusant à détailler sa sinistre besogne pour ne pas choquer l’auditoire. Il assume, pâlit un peu, constate simplement : « C’est terrible comme on arrive à franchir cette barrière ». Tinoco n’a rien de la froideur maléfique d’un Landru. C’est un personnage en quête d’auteur, vite confondu par les enquêteurs, qui suit son procès comme son ombre.
 
Une présence omniprésente
 

Issu de parents tôt divorcés, d’origine portugaise modeste, il est devenu réparateur en électroménager, travailleur, sobre, courtois, désireux de s’élever socialement, reprenant les cours du soir à la Martinière, s’inscrivant au conservatoire des Arts et Métiers. A 23 ans, il s’est marié au Portugal, avec une jeune femme « dynamique et souriante », vendeuse de chaussures sur les marchés, qu’il a ramenée en France, où elle a fait des ménages. « La femme que j’espérais avoir », se souvient-il. Un enfant est né. « Tout allait dans le meilleur des mondes. » mais le couple s’est progressivement déchiré.

Selon lui, elle le rabaissait, le dissuadait de suivre ses cours. Les disputes se sont envenimées. Maria a dit avoir reçu des coups, attesté par des certificats médicaux. Jean a eu une liaison. La jalousie s’est faite maladive. « Tout était prétexte à un drame, elle épiait tout, ses factures, ses chemises, elle souffrait beaucoup de sa condition, elle rentrait dans un délire, à la fin on se serait cru dans Dallas, mais elle ne méritait pas ça » dit à la barre , avec une grande lucidité, une dame chez qui Maria gardait des enfants. En comparaison, Jean semblait un homme « honteux » de sa femme, au point de dire à ses collègues qu’il était divorcé. Au point d’aller réviser ses cours chez sa mère, dans sa chambre d’enfants.

Une enfance qu’il n’aurait jamais vraiment soldée, et c’est peut-être le cœur de l’affaire. La présence de la mère envahit le procès, omniprésente. Elle habitait toujours à proximité de son fils préféré, s’immisçait dans le ménage. Elle a même harcelé au téléphone une maîtresse de son fils, pour s’assurer qu’il ne s’éloignerait pas d’elle ! Pour Liliane Daligand, expert psychiatre, la relation mère-fils est un vrai « cas d’école », une liaison fusionnelle qui a perduré, un inceste inavoué dans lequel l’épouse n’avait pas sa place, même si elle avait le même prénom que la mère. Ces forces souterraines, enfouies « dans une bulle matricielle », auraient pu agir pour éliminer celle qui élevait la voix et dérangeait l’inséparable alliance. Faire disparaître le corps, c’était dès lors une façon inconsciente « d’évacuer le danger » selon l’experte. « Il faisait des sacrifices pour moi » a témoigné la mère de l’accusé. Ces mots résonnent étrangement dans le prétoire. Suite des débats et verdict aujourd’hui.

Richard Schlitty
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Le Progrès, 28 novembre 2000


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